Depuis la zone de pêche
et de chasse des autochtones Lenape et la colonie néerlandaise de feue la
Nouvelle-Amsterdam, jusqu’au tumulte bouillonnant d’aujourd’hui, les hommes ne
s’y sont jamais trompé et ont tout donné pour elle : New-York est la ville
des excès, des folies, des contraires. La ville des portes ouvertes sur le
monde et des communautés qui ne se croisent jamais, des salaires
stratosphériques des financiers de Wall Street aux sans-domiciles errant dans
les sous-sols des gares, la capitale de l’ONU et le mausolée du plus grand
attentat terroriste de tous les temps.
New-York était donc une
étape immanquable de notre voyage, une autre parenthèse citadine dans ce
périple de verdure et de nature.
Tout d’abord, profitons de
cet article pour remercier à nouveau Christina et sa famille pour son
hospitalité et sa générosité, et sans qui notre séjour n’aurait pas été aussi
riche et immersif, pour d’évidentes raisons économiques, les coûts
d’hébergement étant faramineux à New-York. Nous avons en effet eu la chance de
rencontrer Christina le jour de notre départ de Lyon, à l’aéroport, et elle
nous a alors invités à New-York dans son bel appartement en bordure de Central
Park, invitation que nous ne pouvions pas refuser !
New-York et ses environs
sont un ensemble d’îles, de presqu’îles et de côtes morcelées qui définissent
autant de quartiers dont les noms doivent certainement vous évoquer quelque
chose : Manhattan (là où tout a commencé, et là où tout se passe),
Brooklyn (quartier résidentiel en pleine gentrification, atteignable depuis
Manhattan par le pont du même nom, entre autres), Jersey City (presqu’île à
l’ouest de Manhattan, en train de devenir une autre forêt de gratte-ciels) ,
Long Island (île plus bucolique et destination phare pour les locaux qui
veulent se mettre au vert et faire un tour à la plage).
Nous avons passé le plus
clair de notre temps entre Jersey City (nous y avons logé trois nuits),
Manhattan et Brooklyn, entre visite de musées et monuments et, plus courageux
encore, expéditions en vélo dans la jungle urbaine.
Le cycliste est une
espèce en pleine croissance dans les rues de New-York, mais cette population
est constamment menacée par les multiples prédateurs nichant au coin des
buildings : « taxi et Uber coupeurs de route », « livreurs
en vélos électriques sans phare la nuit à contre-sens la plupart du temps
», « touristes perdus la truffe au vent grâce aux vélos en libre-service
de la ville », « piétons pressés grilleurs de priorité »,
« trottinettes électriques véloces » et « nids d’autruche »
sont autant de périls que nous avons dû combattre pour survivre dans ce milieu
hostile.
Même si la ville de
New-York a visiblement mis en œuvre de gros moyens pour les cyclistes (réseau
de pistes cyclables à deux voies le long des berges de l’Hudson et de l’East
River, voies cyclables sur les ponts de Williamsburg et Brooklyn), des efforts
restent à faire pour irriguer l’intérieur des quartiers principaux et pour harmoniser la
conduite entre différents véhicules. Et il faudra certainement un jour, y
compris dans les villes européennes, réglementer tout ce trafic de vélo et de
trottinettes à muscles ou à moteur, quitte à passer par de la répression.
La Grosse Pomme (l’origine
précise de ce surnom n’est pas connue, chacun y va de son commentaire. La
version qui nous plaît le plus est celle de l’argot du jazz, qui désignait les
« pommes » comme les représentations que donnaient au jour le jour
les jazzmen. Jouer à New-York, c’était la « grosse pomme » car un
synonyme de succès) est une ville bigarrée.
D’abord désignée Menatey par les indiens Lenape, elle
a été colonisée par les néerlandais qui la leur ont achetée pour trois
clopinettes en 1626, puis, zone économiquement et militairement stratégique,
elle a fini dans l’escarcelle des anglais et enfin des américains une fois ceux-ci devenu un vrai pays à la fin du 18ème
siècle. Depuis ses débuts, la ville est une terre d’immigration, que ce soit un
lieu d’implantation ou simplement une porte d’entrée vers les USA en général. A
travers les siècles, ce sont des millions d’européens, puis d’asiatiques et d’africains
qui ont débarqué dans le port, rêvant d’une vie meilleure, de pépites d’or, ou
simplement de liberté.
Le centre d’immigration
d’Ellis Island est le lieu emblématique de cette immigration américaine.
Débordés par les arrivés au 19ème siècle, les USA ont mis en place
un système industriel d’accueil des migrants, le tout implanté sur l’îlot
d’Ellis Island, à portée de rames des côtes de Manhattan. Entre 1820 et 1957,
ce ne sont pas moins de 12 millions de personnes (principalement européens,
russes et israéliens) qui y ont glané leur ticket d’entrée pour la
concrétisation de leur rêve américain.
Pour cela, après une
traversée de l’Atlantique dans les cales des paquebots pour les moins fortunés,
les migrants devaient passer une batterie de tests médicaux et des
interrogatoires prouvant qu’ils ne constituaient pas une menace pour le pays.
En tout, seuls 2% des migrants se sont vu refuser l’entrée, ce qui représente
tout de même plusieurs centaines de milliers de malheureux qui ont dû retourner
dans le pays qu’ils avaient fui (maigre consolation, on leur offrait le billet
retour)…
Fermé en 1954 (les importantes
migrations européennes s’étant achevées, et les arrivées se faisant à partir de
cette date par avion plutôt que par bateau), le centre a été complètement
laissé à l’abandon pendant plusieurs décennies, avant d’être rénové dans son
état des années 1920, notamment grâce aux donations d’associations d’anciens
migrants.
Les noms de tous les
migrants ayant transité par l’île sont maintenant gravés sur un long mur de
métal ondulant sur les pelouses de l’île : on y a repéré une
« Duliere Family » et quelques « Beauchamp » .
Attention : le
paragraphe suivant est fortement teinté de chauvinisme. Les plus patriotes
d’entre vous ne pourront retenir une larme à l’idée de cette grande nation que
fut la France.
Imaginez-vous migrant au
début du 20ème siècle : fuyant les bolchéviques de votre Russie
natale, ou vos oppresseurs antisémites, qu’auriez-vous vu en entrant dans le
port de New-York en bateau, après d’innombrables journées de traversées dans la
crasse et la chaleur des chaudières à vapeur ? Quelle aurait été ce phare
à l’horizon, cette lumière qui vous a fait quitter sans regret votre pays
d’origine ? Il s’agit évidemment de l’œuvre du Français Bartholdi, la
fameuse « Liberté éclairant le Monde », plus communément appelée
Statue de la Liberté ! Construite en 1886, on oublie fréquemment qu’un
autre français encore plus connu, un certain Gustave Eiffel, affutant son génie
pour sa prochaine Dame de Fer, a conçu la structure interne de la Statue de la
Liberté. Sans lui, les rêves de Bartholdi seraient restés de belles gravures
sur du papier jauni…
La statue est censée représenter
la liberté dont les USA sont le synonyme : un état tout neuf qui a su se
défaire de son oppresseur anglais. Dans ses bras, la statue de cuivre porte les
tablettes de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis (4 juillet 1776, Fête
Nationale américaine, date à retenir pour votre prochaine partie de Trivial Pursuit).
On rajoute un peu de
franchouillardise à ce paragraphe en indiquant que le piédestal de la statue de
la liberté est posé sur un ancien fort militaire construit en étoile, issu du
génie militaire de l’architecte militaire Français Vauban.
Cette statue est donc le
plus français des monuments New-Yorkais !
Petits bémols dans cette
effusion de liberté et de droits de l’homme :
· les femmes n’étaient cordialement pas invitées
lors de l’inauguration de la statue, certaines ont protesté sur des barques
autour de l’île le jour J;
· les populations noires discriminées ont toujours
accueilli avec amertume ce symbole d’une liberté à deux vitesses (rappelons que
la marche vers l’égalité des droits civiques entre Noirs et Blancs aux
Etats-Unis n’a réellement porté ses fruits qu’à partir des années 1960, la
Statue avait alors déjà fêté ses 80 ans !).
Toutes ces vagues
migratoires ont constitué le tissu new-yorkais. Ici, pas d’intégration « à
la française », où tout le monde doit se fondre dans la population. Le
modèle new-yorkais est communautariste et des populations entières de plusieurs
milliers à millions de personnes se regroupent par affinité dans les
quartiers : chinois, juifs, coréens, italiens, grecs, polonais, etc..
Il est donc possible de
passer sa vie à New-York sans parler anglais et en ne côtoyant que des
personnes de la même communauté. Pour exemple, ces publicités pour un diplôme
universitaire taillé « sur mesure pour les Juifs orthodoxes » ou ces
affiches pour des cours d’anglais (avez-vous déjà vu des affiches pour des
cours de français en France ?).
Ainsi, c’est banal de le
dire, la culture new-yorkaise est cosmopolite comme aucune autre, les rayons de
supermarché et les food-trucks sont là pour vous le rappeler !
New-York, c’est aussi le
« 9/11 » (« 11 septembre » en écriture US). Concernés au
premier chef avec deux Boeing écrasés contre les tours du World Trade Center et
ses milliers de victimes, la ville s’est évidemment relevée mais le quartier
porte encore les marques de la catastrophe.
On débarque sous terre
par le métro à la station « World Trade Center » flambant neuve. Une
fois sortis du dédale de couloirs souterrains, on arrive dans un hall
immensément vide, couvert de marbre blanc et s’élançant vers le ciel par de
grandes poutres blanches de béton. Le toit du hall, l’Oculus, est un œil de
verre en amande regardant vers le ciel, vers le nouveau gratte-ciel « One World
Trade Center ». Ce building a été construit pour remplacer les deux tours
effondrées. Il toise le reste de la ville du haut de ses 500m.
En lieu et place des deux
tours, deux grands gouffres carrés en marbre noir d’une vingtaine de mètres de
profondeur, sur le pourtour desquels s’écoulent un filet d’eau, aspiré par un autre
gouffre au centre dont le fond est invisible depuis la surface. Ces gouffres
sont protégés par des parapets sur lesquels ont été gravés les noms de chaque
victime des attentats. Quand vient la date de l’anniversaire d’une de ces
victimes, une rose blanche est déposée à côté de son nom, sur le parapet.
C’est indéniablement émouvant de se retrouver à l’endroit même où plusieurs milliers de personnes ont trouvé la mort en quelques minutes, au nom de la folie de quelques-uns, et d’imaginer l’état du quartier après que deux tours de 500m de haut se soient effondrées.
Néanmoins, toute cette
saine émotion est entachée d’une certaine gêne vis-à-vis du produit commercial
que constituent les attentats du 11 septembre : projet immobilier de
plusieurs immeubles à venir, musée mémorial à 24$ l’entrée par personne…
Difficile de trancher
entre le devoir moral de mémoire et le
business as usual dans un des centres financiers les plus dynamiques au
monde, en plein cœur de Manhattan.
Après avoir suivi la
route des migrants à New-York, l’heure est venue pour nous d’opérer notre
grande transhumance vers le Far West américain, un périple de 4000 km qu’on a
choisi, fainéants de nous, de faire en train pour pouvoir profiter pleinement des Montagnes
Rocheuses.
A bientôt pour un prochain article, à travers Chicago, les plaines du Midwest et les canyons du Colorado !
Plein d'autres photos, dans l'album dédié ici et sur la page principale du blog.
Magnifique la traversée de Claire sur le pont de New york.Ouf elle a évité le gentil écureuil bizzzzzzzzz
RépondreSupprimerTu auras du buter ce sale nuisible ! J'ai bien rigolé, sauf pour la police Comic Sans MS ... :p
RépondreSupprimerVous êtes bien bronzés ! Bisous
Ne t'inquiète pas, on en a vu plein d'écrasés sur les routes, niark niark niark...
RépondreSupprimerLa police, c'est du "Noteworthy Bold", quelle grave erreur d'appréciation ;) !