mercredi 3 octobre 2018

Portland et l’Oregon – du 10 au 22 septembre

Après notre entrée mémorable dans l’état par le pont sur la Columbia River, l’étape suivante nous amène à Portland au prix de 90km sur une highway (comprendre "une route principale type route nationale") bien passante mais avec un bas-côté qui la rend acceptable. Ce qui rend l’étape moins acceptable, c’est cette crevaison en début d’étape et cette grosse averse qu’on passera mal abrités sous un arbre maigrichon.
Quand on croise ensuite une cycliste en t-shirt, on se dit que le temps n’est pas si mauvais que cela pour la région…

Une bonne journée qui commence !





Portland, un peu de vert dans ce monde de brutes

On arrive à Portland, ville la plus peuplée de l'état de l’Oregon (mais pas sa capitale, qui est Salem), cette ville qu’on a idéalisée depuis si longtemps, étant apparemment la capitale américaine du mouvement écolo et du vélo.

Bon OK, il y a des pistes cyclables un peu partout et le réseau de transport en commun n’est pas celui d’une ville américaine moyenne, on sent aussi qu’il y a une vie culturelle (dont une librairie incroyable où nous aurions pu passer des jours entiers tellement il y avait de bouquins intéressants, neufs ou d’occasion) et un renouveau de certains quartiers, mais ce qui frappe surtout, c’est cette population effarante de sans-abris et de drogués dans les rues (c’est dit sans raccourci, on a clairement croisé des gens en bad trip dans les rues, style zombies et ça n’avait pas l’air de choquer grand monde). 







Portland est une petite ville par rapport à sa voisine Seattle. C’est avant tout un port historique sur la rivière Willamette, porte d’accès rapide entre l’intérieur des terres (et sa grosse industrie forestière) et l’océan pacifique via le fleuve Columbia. La petite ville a piqué sa crise de l’industrie du bois dans les années 80, et se relève progressivement grâce aux nouvelles technologies, tout en prenant un virage écologique car les dirigeants ont compris que l’avenir est dans la verdure. 

Alors la ville est encore à taille humaine, pas de forêt de gratte-ciels dans le centre, mais plutôt des grands et vieux bâtiments en brique. Ça circule pas mal en vélo et en tramway, la voiture est reléguée aux entrées de la ville et quartiers résidentiels.




Casiers à disposition des cyclistes dans un magasin


Une ascension à la villa de la famille Pittock permet de voir la ville en grand (encore mieux par beau temps avec le mont Hood enneigé en toile de fond…). Cette villa appartenait à une riche famille de Portland, et était très moderne à sa construction en 1914 (chambre froide, structure en béton, chauffage centralisé et thermostaté !). C’est aujourd’hui un monument à visiter et un jardin possédant une belle collection de roses.

Vue de Portland et ses nuages


Portland est notamment surnommée la ville des roses ("the city of roses")

Ville oblige, notre hébergement passera par le réseau Warmshowers une fois de plus ! Thomas nous accueillera dans son humble demeure pour deux nuits. Un vrai cliché portlandais ce Thomas: cycliste averti, il fait l’affront de ne pas posséder de voiture, il a donné des cours bénévoles de conduite du vélo en ville à des enfants, il prépare lui-même ses repas (banal d’un point de vue français, mais ô combien révolutionnaire d’un point de vue américain), il travaille quelques heures par semaine pour une association de prêt de matériel, et il composte ses déchets organiques ! Oui, cet individu est bien un citoyen américain pour ceux qui auraient des doutes ! Il n’est probablement pas le seul dans ce cas, c’est ce qui nous fait dire que cette ville est bien partie !


Notre désormais traditionnelle photo avec notre hôte Thomas, le matin du départ de Portland


Nous quittons Portland par sa banlieue tentaculaire, avec néanmoins un réseau de pistes cyclables qui rend le trafic automobile acceptable. Nous filons vers l’ouest, à la conquête de la côte Pacifique tant attendue, clou de notre voyage (avec des pneus anti-crevaison de qualité, les clous ne sont pas forcément un problème lors d’un voyage à vélo). 


De Portland à la côte, avec un petit goût de noisette

Avant d’y parvenir, nous faisons une étape à McMinville, dans le grenier à vin et à noisettes de l’Oregon, la fertile vallée de la rivière Willamette. Sentant la pluie venir, nous nous sommes offerts une nuit en AirBNB, dans une maison typique de banlieue américaine : l’occasion de passer une nuit au chaud et au sec, de faire une lessive et de faire la cuisine avec autre chose qu’une unique casserole, un réchaud et des pâtes. 

Rêverie d'écureuil: des noisetiers à perte de vue!

McMinville à la prétention de posséder la « plus belle Main Street de l’ouest américain » selon son panneau publicitaire ("Main Street" signifie "rue Charles de Gaulle" en anglais). La plus belle, on ne sait pas car on ne les a pas toutes sillonnées, mais elle a le mérite d’avoir des bâtiments typiques faits de brique et de bois, et surtout ELLE A DES ARBRES, ces espèces de grandes tiges feuillues qu’on trouve surtout dans les forêts et dans les parcs urbains, mais jamais dans les rues. Et bien sûr on vous parle de cette rue sur quatre lignes mais on n’a pas été fichus d'en prendre une seule photo !

Démesure américaine, la ville possède un musée de l’aviation qui jouxte un parc aquatique, facilement reconnaissable car il est affublé d’un vrai Boeing 747 sur son toit, et cet avion sert de départ pour un immense toboggan aquatique (nous étions un peu loin de la route, vous aurez de meilleures photos ici). 


Complètement à l'ouest !

Lincoln City sera notre première étape sur la côte Pacifique. 


Jusqu’à maintenant on avait certes officiellement touché les eaux du Pacifique en prenant le bateau entre le Canada et les USA, mais ça ne comptait pas vraiment car il y avait toujours un bout de terre à l’horizon… Cette fois c’est net et sans détour, ce qu’on voit au loin, c’est l’horizon, et après l’horizon, il y a de l’eau, encore de l’eau, puis, enfin, après plusieurs milliers de kilomètres de vents et de vagues, l’Asie. 

A partir de là, notre itinéraire est plutôt simple, c’est plein sud en suivant la route 101 («One-o-one» pour les intimes) : la côte Pacifique, c’est un peu la Loire à Vélo des ricains et du monde entier, car on y croise toutes sortes de cyclistes : des irlandais, des québécois, des italiens, des parisiens, un néo-zélandais, des écossais, des espagnols. Tout le monde va globalement dans le même sens, vers le sud, car : (1) le vent souffle surtout depuis le nord, (2) le paysage est du bon côté de la route, (3) les bas cotés ont été améliorés du côté droit, et évidemment, (4) ça descend tout le long puisqu’on va vers le sud! (il suffit de regarder une carte, non ?).

Quelques kilomètres avec un cycliste irlandais


Il y a des campings adaptés aux « hiker/biker » (randonneurs et cyclistes) un peu partout, pour 10 à 15$ la nuit, on a une place garantie et une douche chaude tous les soirs, ce qui est bienvenu quand les températures le soir flirtent avec les 10°C.
Revers de la médaille, les campings pas chers attirent aussi les sans-abris, nombreux sur la côte ouest. On est même en compétition pour les emplacements sur certains campings comme à Newport où le sosie d'un des chanteurs de ZZ Top attendait qu’on parte pour prendre notre site, ou encore à Brookings, dans le sud de l’état, où deux « campeurs » imbibés, embrumés, bruyants et gueulards font fuir tous les cyclistes ; du coup on se serre avec deux autres couples de cyclistes sur un même emplacement. L’occasion de papoter un peu en français, l’un des couples étant québécois (voyageant selon un itinéraire original : « de la Colombie-Britannique à la Colombie »).


A partir de Lincoln City donc, la côte s’offre à nous : succession d’aplombs rocailleux où batifolent les phoques et lions de mer, de dunes immenses où paradent les buggys (ces animaux à moteur pilotés par des cascadeurs du dimanche), et de grandes plages de sable blanc ou gris battues par l’incessant rouleau de l’océan. 


Des images valent mieux qu’une longue description, alors voici une sélection des paysages que nous avons eu le privilège de traverser, la truffe au vent dans les embruns.







Pour ceux qui se posent la question, il s'agit d'un panneau solaire à l'arrière du vélo d'Aymeric. Et malgré ces nuages, il marche quand-même!




Concours de bubulles géantes sur la plage : très simple, deux bâtons reliés par une ficelle trempée dans l'eau savonneuse

Pirouette sableuse organisée en l'honneur du passage aux 6000 miles (9600 km)

La brume n'est jamais loin sur la côte Pacifique


Nos voisins de camping de Humbug Mountain nous ont offert cette bouteille de vin, idéal pour faire descendre le soleil

Les séismes sont fréquents sur la côte Pacifique, et donc aussi les tsunamis. Au fil de la route, des panneaux nous indiquent si on est oui ou non dans une zone submersible en fonction de notre altitude). Rassurant. 


Côté bestiole, à part les phoques qui « honk-honk » joyeusement sur les rochers, nous pouvons apercevoir des baleines grises qui montrent timidement le bout de leur queue à Depoe Bay. Les baleines grises, des bébés de quelques 10 à 15m de long et jusqu’à plus de 30 tonnes à l’âge adulte, migrent chaque année entre l’Alaska et les côtes mexicaines. Celles que nous avons vues sont des faignasses de première, elles ont apparemment arrêté de migrer et passent leur vie sur les côtes de l’Oregon, un entre-deux pas désagréable. 

Au centre, la tâche plus sombre est une baleine grise

Armée de phoques en pleine séance bronzette

Quelques bestioles frayant dans les eaux du coin

Des lions de mer (photo presque inutile, juste pour dire qu'on en a vus ! )


Phoques peu farouches dans le port de Florence, attirés par les pêcheurs qui vident leurs poissons dans les eaux du port


Animaux étranges et hargneux rencontrés sur la terre ferme (l'histoire ne dit pas s'il s'agit d'une animal à deux têtes ou de deux animaux différents).


Nous sommes plutôt bien reçus par la météo, la descente de la côte de l’Oregon se fait quasiment sans pluie, mais pas sans brouillard. Les premiers rayons du soleil sont attendus de pied ferme pour faire sécher la tente détrempée chaque matin et réchauffer les cuisses des cyclistes manquant de motivation.




A chaque état américain sa culture fétiche, pour l’Oregon c’est la cranberry ! Cultivées originellement par les natifs dans les marécages, ce savoir-faire a été transmis aux envahisseurs blancs. Les plantations que nous avons vues en roulant sur la côte sont récoltées par la méthode dite de « tourbière inondée » : les arbustes poussent dans des bassins secs, les producteurs inondent la plantation la veille de la récolte, les baies se détachent le lendemain par intervention mécanique, se mettent à flotter, puis sont récupérées. 

Bassin planté de cranberry


A Port Orford, le port de pêche est peu coutumier : tous les chalutiers sont alignés sur un parking sur la terre ferme. Le port n’ayant pas d’abri naturel, les bateaux seraient trop vulnérables en cas de grain, les marins sont donc contraints de remonter par grutage leur bateau pour les mettre en sécurité sur le quai. 




Passé l’Oregon, nous arrivons déjà en Californie, ça sent déjà la fin du voyage à plein nez, mais c’est encore l’occasion de faire quelques belles découvertes sur les côtes et au cœur des forêts d’arbres millénaires. Tout cela, vous le lirez dans un prochain article (promis, il y aura du sexe, de la violence et de la drogue). 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire