jeudi 29 mars 2018

Côte ouest de la Floride – Golfe du Mexique de Fort Myers à St Petersburg - 12 au 17 mars

Le ferry nous fait regagner la terre ferme à Fort-Myers (« Forte Mayeurze » pour les français) dans la nuit du 11 mars. Arrivés tard, on paie notre départ rapide des Keys en raison du manque de camping, on se retrouve par une nuit étoilée quelque part dans un quartier chic, la tente plantée sur une bande de pelouse entre une belle villa et un chantier de villa en construction sur les recommandations d’un couple du quartier croisé par hasard plus tôt. Nuit sans vraiment de sommeil, réveillés par
le moindre bruit et notre alarme réglée avant le lever du soleil au cas où les ouvriers du chantier ne nous délogent… 

La région de Fort-Myers et au-delà plus au nord est une zone de plaine littorale avec beaucoup d’espaces naturels vierges. Elle est très marquée par l’étalement urbain : par exemple, entre « Fort-Myers Plage » et « Fort-Myers centre-ville », il faut parcourir 25 à 30 km de route de 2* 3 à 4 voies, avec ou sans piste cyclable, et toujours un trafic infernal.
Dans les zones moins urbanisées (c’est-à-dire en dehors du centre-ville et des gros pôles touristiques de bord de mer), l’habitat aisé est généralement rassemblé en « gated communities », grands parcs résidentiels cachés derrière des murs, aux bâtiments parfaits, dans une végétation parfaite, avec des habitants parfaits. Après avoir passé le porche d’entrée arborant sans humilité un nom des plus bucoliques, l’accès se fait par un portail et une barrière automatiques, avec lecteur de carte d’identité à l’entrée (soit le permis de conduire américain). Nous avons pu entrer dans l’un de ces parcs, un de nos hôtes Warmshowers y habitant (sacrée baraque !) mais celui-ci a dû venir nous chercher car sans « ID » (pièce d’identité) à insérer au bon format dans le portail automatique des visiteurs impossible de rentrer. 
Outre des alignements de belles maisons toutes identiques, ces parcs renferment des étangs, espaces verts, golfs, etc. voire même des espaces naturels humides conservés (surement un compromis avec des écolos locaux pour la bonne réalisation du projet).

La beauté de ces parcs (il faut être objectif, c’est beau, on se croirait à Disney) s’estompe quelque peu lorsque l‘on en croise un en construction: imaginez au milieu de nulle part une surface de plusieurs kilomètres carrés de zone humide tropicale complétement défrichée à coups de pelle mécanique, les arbres coupables d’y être présents sont entassés çà et là, et les camions qui transfèrent la terre pour créer des étangs et des bosses (ça sera moins monotone pour le futur golf). La conséquence de cela, c’est une dépendance toujours plus forte à la voiture et un trafic augmenté, car aucune commodité n’est évidemment disponible à proximité.

Par conséquent, entre ces gated communities, le bord des routes est occupé par une suite infinie de magasins et restaurants divers et variés, tout cela dans un bel écrin verdi à grand renfort d’arrosage en pleine journée. Encore une fois, c’est beau car tout est espacé, aéré, vert, mais à quel prix…

Quelques lueurs d’espoir cependant : un parking-relais permet aux automobilistes de lâcher un temps leur voiture et prendre le bus pour aller à la plage de Fort-Myers. Une petite goutte d’eau dans un océan de pétrole bon marché (environ 0,6€ le litre de carburant, ça fait rêver hein ?). Les mauvaises langues comme Claire (elle assume) diront que c’est sûrement destiné aux touristes un tant soit peu consciencieux de l’environnement ou surtout de leur porte-monnaie…

Autre lueur d’espoir, une ville dans laquelle nous avons passé deux jours un peu par hasard : Saint Petersburg ou « St Pete » pour les locaux. Ce nom est irrésistiblement teinté de soviétisme, et transpire effectivement la gauche avec un maire résolument anti-Trump, une vraie politique de cyclabilité de la ville, de l’art (musée Salvatore Dali), de la culture (festival de musique quasi-hebdomadaires et musée des beaux-arts)… et un grand prix de Formule 1 en pleine ville (on ne peut pas être bon dans tous les domaines). Un quartier jeune et vivant le long de General Boulevard est investi par les cafés, bars et boutiques tendances dans des petits immeubles habillés de street art, le tout accessible facilement par la voie cyclable Pinellas Trail, ancienne voie ferrée réaménagée pour les vélos. La ville possède aussi un quartier historique typique : des voies pavées de briques où s’alignent des maisons à un étage en bois aux couleurs variées abritées par de grands arbres dont les banyan trees (ou aussi banian, arbres parasites qui phagocytent littéralement leur arbre-hôte, déjà mentionnés dans l’article sur Miami). C’est d’ailleurs dans ce quartier que nous avons eu la chance de dormir chez Kyle, notre Warmshowers de dernière minute ; 

Nous réussirons d’ailleurs à passer les quatre nuits après la pelouse à Fort Myers chez des hôtes Warmshowers tous aussi généreux et sympathiques :
Keith, retraité, est, je le cite un snow bird (oiseau migrateur) : originaire du Minnesota, il passe les mois d’hiver les plus froids sous le soleil de Floride comme des milliers de retraités. Il nous a accueilli dans sa maison située dans une gated community - résidence privée fermée avec gardien - à la sortie de la grande agglomération de Fort Myers et invité à découvrir « Mission BBQ, the American way ». Il s’agit d’une chaine de fast-food « spécialisée » dans les viandes pour barbecue, soit principalement des viandes marinées plusieurs dizaines d’heures dans des sauces épicées. C’est aussi un restaurant très patriote, tout son décor intérieur rend hommages aux forces armées et aux différentes polices existantes dans le pays. Vous pouvez y voir des photos de promos, des médailles, portraits de ceux tombés au combat, photos de missions sur le terrain, de défilés ou parades, des maillots et casques de football américains de différentes équipes de l’armée (Navy, Marines …), le tout avec sous les yeux toutes les sauces classiques du barbecue américains pour accompagner des ribs de porc (côtes de porc) plus larges que votre table ! Nous avons gouté modestement notre premier brisket de bœuf, viande de bœuf très tendre effilochée ayant mariné 18h dans une préparation aigre-douce (enfin plus sucrée qu’aigre). Le met paraît petit servi seul simplement entre deux tranches de pain mais il remplit sa mission pour l’estomac. 
Pam et Tom dans leur charmante maison plus traditionnelle située au bord d’une rivière près de North Port (parfait pour la sortie canoë quotidienne de Tom), avec leur jardin plein de vie sauvage floridienne (oiseaux multicolores, lynx, alligators, panthères…) et leur terrasse typique de la région, c’est à dire une terrasse entièrement fermée par une structure en moustiquaire, y compris la piscine.  
Nat, un fou de VTT en itinérance, mélange de Davy Crockett et de Mike Horn dans ses aventures en VTT et Guillaume Meurice dans ses pensées crues, vivant avec son plus jeune fils dans sa maison près de Bradenton, qui nous a « cuisiné » des pâtes (pour la première fois je pense) et une salade. Il a passé la soirée à nous présenter tous les parcs nationaux et circuits vélos du pays, notre trajet futur a donc été planifié grâce à lui. Sa passion et générosité l’ont même amené à nous conduire avec son mini van et nos vélos à St Pete (environ 50 km A/R) pour nous éviter la baie de Tampa et l’agglomération qui va avec (2 jours de vélos), le pont le plus direct étant interdit aux vélos !
Kyle, qui, bien qu’ayant reçu notre demande le jour même et actuellement dans une situation personnelle un peu compliquée, est venu nous chercher en ville à la sortie de son boulot, nous a gardé les vélos dans son local professionnel pour que nous puissions aller visiter en nocturne le musée Dali, et nous a laissé son lit pour dormir dans un des canapés de sa coloc, une maison en bois historique type colonial dans le centre-ville de St Pete.

Outre les rencontres grâce au Warmshowers, nous ne comptons plus le nombre de gens que nous croisons dans la journée et nous demandent des fois sans s’arrêter de marcher « where are you from and where are you going ? » (d’où venez-vous et où allez-vous ?), ce qui nous a valu de courts échanges intéressants avec de bons conseils voire même des propositions de carré de pelouse pour notre tente. Les voyages en vélo sont apparemment assez rares en Floride, nous devrions passer plus inaperçus dans d’autres états, notamment sur la côte ouest et au Canada. 
Lors de notre trajet vers Bradenton, nous avons rencontré un cycliste de Pennsylvanie sur une autre ancienne voie ferrée voie cyclable (le Legacy Trail). Il nous a conduit dans Fruitville, aux portes de Sarasota, dans le quartier amish de sa mère. Les amishs sont une communauté chrétienne refusant la modernité et habitant principalement le nord-est des USA. Les plus intégristes des Amishs se restreignent à un mode de vie typique du 19e siècle. Les autres s’autorisent quelques incartades dans le futur : électricité, téléphone portable, radio et séjours au sud quand il fait froid chez eux. 
Nous nous retrouvons donc dans un quartier normal au milieu de femmes en longue robe unicolore en coton et leur coiffe blanche cachant leur chignon, et d’hommes à longue barbes, chapeau de paille et pantalon à bretelles, le tout à vélos sur des tricycles à panier. Dans le quartier de chez ces gens-là, vous pouvez gouter à leurs plats traditionnels et produits divers de leur travail (miel, fruits, légumes, artisanat). 


Après notre départ à regret de St Pete, un passage express au magasin Trek du coin pour faire remplacer avec brio le porte-bagage arrière d’Aymeric qui avait décidé de rompre ce jour-là, puis une soirée un peu courte dans le camping paradisiaque de Fort Desoto State Park (bout de plage avancé sur le golfe du Mexique : écureuils curieux en pagaille, dauphins dans la baie, vols de pélicans, coucher de soleil…), nous avons poursuivi notre route vers le nord en empruntant la Pinellas Trail, qui nous a mené jusqu’au royaume de l’éponge…. A découvrir dans notre prochaine publication ! 



Golfe du Mexique - Fort Myers à St Pete

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