dimanche 22 avril 2018

Natchez Trace Parkway : des Indiens, des conquérants, et des guitares ! - 29 mars au 12 avril



Nous vous avions précédemment laissés aux portes de la Louisiane, tout juste débarqués de notre mini-van de location. 
C’est une deuxième étape de notre voyage qui débute : sur les recommandations d’un de nos hôtes WarmShowers de Floride, nous avons décidé de remonter le Natchez Trace Parkway, une longue route traversant les états du Mississippi, de l’Alabama et du Tennessee, parcours normalement agréable en cette saison.

Tout d’abord, pour remonter jusqu’à Natchez, ville de départ de ce Parkway, notre route croise pendant quelques jours l’humidité et le bayou louisianais.
Nous passons deux jours chez notre hôte Perry à Jackson (LA -Louisiane) vivant sur un terrain entouré de forêts et d’oiseaux multicolores, qui nous fait visiter la ville voisine de Saint Francisville, vieille bourgade fondée sur les collines surplombant les rives du fleuve Mississippi à la fin du XVIIème siècle et qui possède quelques vieux monuments, dont une belle église en brique entourée de son cimetière dont certaines tombes sont aussi vieilles que les live oaksqui les surplombent,ces chênes énormes et biscornus qui ne perdent pas leurs feuilles en hiver.



Dans cette même ville, on fait un saut dans le passé et nos souvenirs de western en visitant une ancienne banque transformée en magasin de souvenirs, mais dont le comptoir en bois, la salle des coffres et ses portes blindées ont été conservées dans leur jus.

Cette courte étape en Louisiane ne nous donnera malheureusement pas l’occasion d’entendre parler le cajun, une langue dérivée du français parlée par des populations en provenance d’Acadie (actuel est du Canada) déportées en Louisiane au XVIIIème siècle, et qui a plus ou moins fusionné avec le créole parlé par les esclaves de l‘époque. Vu les extraits disponibles sur internet, c’est encore pire qu’un charabia de québécois bourré et la bouche plein de caribou. 

Nous voici donc arrivés à Natchez, début d’un long périple de 450 miles qui nous conduira jusqu’à Nashville, Tennessee (environ 720 km - soit un équivalent Lyon-Lille) sur les traces des bisons, des indiens et des baroudeurs de l’époque.
Le Natchez Trace Parkway est en effet un parc national atypique pour nous autres français, puisqu’il suit un itinéraire plutôt qu’un territoire. Ce Parkwayest une route type « route départementale » dont l’usage est uniquement destiné aux touristes et aux locaux (pas de transports à visée commerciale) et qui présente donc un trafic réduit, très peu d’intersections, aucun feu ou stop (sur 700km !), et surtout pas de chiens pour courir après les cyclistes ! La sécurité des cyclistes est d’ailleurs importante pour les gestionnaires du Parkway et fait donc l’objet d’une signalisation renforcée, ce qui se traduit par un comportement relativement respectueux des usagers (genre la voiture qui attend looooongtemps derrière nous pour avoir une visibilité d’un kilomètre – c’en est presque gênant).





Par ailleurs, pas mal d’équipement sont présents en général pour les campeurs et en particulier pour les cyclistes, avec des accès privilégiés à certains sanitaires, comme à Collinwood où l’accès aux douches de la caserne de pompiers est rendu possible par la mairie.
Il y a aussi des zones moins bien équipées, où seule une douche froide artisanale en plein air est possible. Avantage écologique : ces moments de fraîcheur intense permettent de réaliser d’importantes économies d’eau (8 litres d’eau pour deux personnes…). 

La route du Natchez Trace Parkwaya été construite à partir de 1938 et ses derniers tronçons achevés en 2005. Son itinéraire suit peu ou prou le Natchez Trace, un vieux chemin emprunté entre le XVIIIème et le XIXème siècles par des milliers de commerçants, qui, après avoir descendu le fleuve Mississippi en barge jusqu’à Natchez, vendu leurs articles sur place et, enfin, dépensé toute la recette de leur vente en alcool et en femmes, remontaient chez eux vers le nord-est à pied ou à cheval à travers forêts, marais et prairies. Cette remontée était longue et dangereuse, car elle traversait des zones peu habitées et mal fréquentées. Quelques auberges jonchaient le chemin comme autant d’oasis pour les voyageurs.
L’usage de ce chemin a périclité dès l’arrivée des bateaux à vapeur capables de remonter le fleuve Mississippi.
Mais au-delà de cette histoire « récente », il est intéressant de souligner que cet itinéraire a servi auparavant et pendant des millénaires aux populations humaines et animales pour leurs migrations entre le Nord et le Sud de l’est américain. 


Chemin historique conservé

Aujourd’hui toute cette histoire se retrouve scellée dans l’asphalte et les quelques pancartes qui le longent ; le tracé du vieux chemin réapparaît de temps en temps en bord de route, parfois sous la forme d’un goulet creusé de plusieurs mètres par le passage des hommes et du temps.

La ville de Natchez, au début du Parkway, a connu un véritable âge d’or au temps béni de l’esclavagisme : c’était un carrefour du commerce régional grâce aux barges descendant le Mississippi, mais aussi un formidable grenier à coton. Les vieilles maisons des plantations y sont encore visibles : mélange de brique et de bois, colonnades en entrées, rocking-chair sur la terrasse, ne manque plus que Scarlett O’Hara pour compléter le tableau.





Natchez tient son nom du peuple Indien qui habitait la région avant l’arrivée des conquérants européens. Comme la plupart des peuples précolombiens d’Amérique du Nord, ils ont laissé peu de traces visibles de leur présence sur terre. Ils vivaient dans des maisons en bois, pratiquaient une agriculture extensive et changeaient de territoires en fonction des saisons. Les seules marques encore visibles sont de grandes buttes de terres, parfois hautes de plusieurs mètres à dizaines de mètres, sur lesquelles ils implantaient les lieux de cultes, les maisons des chefs et pratiquaient divers rites. Ainsi, tout au long du Natchez Trace se dressent ces quelques buttes de terre, maigres restes de civilisations savamment détruites.



Car c’est au niveau de l’actuelle ville de Natchez que nos ancêtres franchouillards se sont mis en tête de conquérir de nouvelles terres pour satisfaire l’appétit de conquêtes de notre bon vieux Louis XIV. Au début très cordiales, les relations entre Français et peuple Natchez se sont progressivement tendues pour aboutir à une attaque des Français par les Indiens, attaque à laquelle les Français ont répondu par un massacre des Natchez. Point-barre, plus de peuple Natchez.
Les Français se sont ensuite fait virés par les anglais et les espagnols, puis les anglais et les espagnols par les américains. 
Ce qui est « drôle » dans cette histoire, c’est que les français, les espagnols et les anglais n’ont cessé de faire des alliances avec les tribus indiennes locales pour se combattre les uns les autres, pour, au final, tous perdre leurs conquêtes, et les indiens se faire déporter dans des « réserves » à des milliers de kilomètres de leurs terres d’origine.
La guerre encore, LA guerre des américains, celle de Sécession, qui a déchiré le Nord (industriel et anti-esclavagiste) et le Sud (agricole et esclavagiste) à la fin du XIXème siècle, a laissé pas mal de traces dans l’histoire de ces contrées : champs de batailles, villes brûlées ou au contraire « trop belles pour être incendiées », récits d’exactions diverses et variées…

Ces bains de sang ont heureusement laissé place à des bains de fleurs pour les cyclistes chanceux que nous sommes. Le printemps venant d’arriver, les bords de route sont bien colorés, les arbres encore vert-tendre, mais les magnolias ont déjà perdu leurs fleurs. Nos vélos avançant plus vite que le printemps, la remontée vers le nord le long du chemin se traduit par une perte progressive du feuillage des arbres.

La route en elle-même est assez vite monotone, surtout sur les premiers 400 km (J). La fin, en approchant de Nashville, est plus vallonnée et sinueuse et offre de beaux paysages et des changements de rythme qui rompent l’ennui (et les cuisses). Ces collines correspondent à l’extrémité sud de la chaîne de montagnes des Appalaches, et offrent quelques belles cascades et mini-canyons creusés dans les dalles de calcaires.

Le printemps américain cette année est assez capricieux et nous a délectés d’une gamme de température allant de -1°C à 25°C, les jours les plus froids étant aussi les plus humides. Nous avons donc eu des expériences de camping sympathiques (petit-déjeuner en bord de lac, dans le silence d’un parc naturel) et moins sympathiques (dîner dans les toilettes du camping après avoir passé la soirée à creuser sous la pluie des rigoles de drainage autour de la tente et à sécher nos vêtements avec le sèche-main). 
La météo et la raison nous ont même poussés à prendre une nuit dans un motel un soir où des gelées étaient annoncées. Il fallait voir le souk dans la chambre avec nos deux vélos et l’ensemble de nos affaires suspendues un peu partout pour sécher !








Au chapitre « histoire naturelle » de cet article, on notera l’observation :
-d’une multitude de dindes sur le bord de la route, assez peu farouches. Ce sont ces dindes qui ont été importées en Europe il y a fort longtemps, avec pour noble mission de se faire fourrer de marrons à Noël (référence culturelle: ce sont ces volatils qu’Obélix appelle les « glouglous » dans Astérix en Amérique) ;
-d’un castor, très furtif, mais on l’a vu !
-de québécois en masse dans les campings, en pleine remontée vers le Nord. Plus particulièrement, on croisera pendant 3 ou 4 jours le même québécois prénommé « Benoit » sur notre route (parfois en vélo, parfois en voiture, parfois dans un sens, parfois dans l’autre, on n’a jamais vraiment compris où il allait…).

Pour les courageuses gens qui n’ont pas encore abandonné la lecture de ce passionnant article, et assez perspicaces pour avoir retenu la mention de « guitare » dans son titre, voici le volet historico-musical du blog ! Le Natchez Trace Parkway passe par la ville de Tupelo, relativement inconnue au bataillon sauf pour les fans du King, du mythe, de l’icône, Elvis ! C’est en effet dans cette petite bourgade du Mississippi qu’est né notre ami rockeur un beau jour de 1936 (la même année que la tornade qui a rasé une bonne partie de la ville). Et c’est dans cette ville de Tupelo que madame Presley a eu la bonne idée d’insister pour que le petit Elvis accepte une guitare pour son treizième anniversaire, à la place de la carabine de ses rêves.


Le magasin existe encore, c’est une magnifique quincaillerie à l’ancienne où les comptoirs et le parquet sont restés tels quels depuis que le petit Elvis en a foulé les lattes (il y a même une croix au sol qui marque l’endroit où Elvis a réceptionné la guitare - émotion). 


La maison natale est visitable, une toute petite masure en bois d’une vingtaine de mètres carrés, avec son obligatoire terrasse et balancelle.
A un certain point, la famille Presley était tellement pauvre qu’elle a dû partir de Tupelo pour aller chercher le bonheur à Memphis (Tennessee), à une centaine de kilomètres de là. La suite de leur histoire s’est déroulée sans fausse note…



Tout au bout du Natchez Trace Parkway se trouve Nashville (Tennessee), haut-lieu de la musique country ! La météo et le besoin de se reposer nous ont poussés à y rester deux jours très animés (suite au prochain article) …

L'album photo complet sera disponible en ligne (colonne de droite du blog) dans quelques jours. 

3 commentaires:

  1. Super chouette de vous suivre, merci de nous faire voyager!!!!Bonne continuation!!!
    Gros Bisous.
    Marie-claude et Raoul

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  2. j'ai adoré voir Claire sous le pluie ,ça nous rendait jaloux ces plages et ce soleil !!!!!
    ramenez nous une dinde américaine pour Noel ,elle tiendra sur le vélo!!!!!!!!
    biz a vous deux byby, you are very courageux(j'ai pas oublié tout mon anglais)

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  3. Christèle Niderkorn25 avril 2018 à 23:37

    Merci beaucoup de nous faire partager vos aventures. Comme toujours, qu'est-ce que c'est bien écrit! Une reconversion assurée dans les guides touristiques! Bravo

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