mercredi 5 septembre 2018

De Vernon à Vancouver – vous reprendrez bien un peu de désert ? – du 6 au 16 août

Depuis notre havre d’hospitalité de Vernon, il est difficile de repartir sur la route, surtout qu’on nous a promis de la montagne, de la fumée et de la chaleur…
Après une étape effectivement montagneuse et encore un peu verdoyante, nous plongeons dans la vallée de la Thompson River. 






La fumée est épaisse, et la visibilité réduite, heureusement car la vallée est guère accueillante : une autoroute, une voie de chemin de fer, une cimenterie Lafarge (cocorico !), des territoires natifs interdits et ce paysage aride que nous n’aurions jamais imaginé trouver au Canada. 



Finis les ours gambadant dans les forêts épaisses, dans cette vallée tout n’est que poussière et rares touffes de végétation. Seule la côte de la Colombie-Britannique est bien arrosée, ici dans l’intérieur des terres, il ne tombe que 225mm de précipitation annuellement (4 fois moins qu’à Lyon !). 
La route est donc peu plaisante, en mauvais état, et pleine de cattleguards, ces passages canadiens pour les troupeaux qui sont autant de vibrations dont nous pourrions nous passer. On s’attend à tout moment à voir un puma nous traverser devant ou nous scruter du haut d’un tombant rocheux. 

Kamloops est construite dans une petite plaine et les pentes alentours, à la croisée de deux autoroutes (dont l’autoroute Highway 1 TransCanada, notre meilleure ennemie), deux voies ferrées et deux rivières : pour ces raisons, la ville draine du monde ce qui n’arrange rien à la qualité de l’air. 
On y dort dans un ancien hippodrome en cours de transformation en camping, entre les écuries, le champ de course et les biches opportunistes. 



Nous quittons Kamloops par une route de montagne censée nous éviter les routes à fort trafic. Sortir de la ville à froid est un enfer pour les cuisses : tous les pourcentages de pentes sont à deux chiffres (c’est le problème du plan de rues en damier, peu importe le relief) ! Et au plus fort de la pente, une femme en scooter qui ralentit à tes côtés pour te taper la causette…

 On ne dirait pas comme ça, mais ça monte beaucoup et longtemps !

L’air se fait plus frais, les lacs réapparaissent, on est bien à la montagne à 1100m d’altitude ! Le village de Logan Lake est un petit monde parfait. Le camping est tout neuf, pas cher, les routes ont été refaites récemment, le village semble être tout juste sorti de terre, le parc est fleuri et fraîchement tondu…  Il y a même un concours de pêche insolite : la commune a lâché dans le lac des poissons pourvus d’une étiquette ; le pêcheur qui attrape le poisson ramène l’étiquette à la mairie et se fait remettre en échange une somme d’argent !

Deux promeneurs dans le parc de Logan Lake

Après avoir traversé précédemment quelques villages et hameaux ruraux bien délabrés dans la région, la question se pose : d’où vient tout cet argent ? La réponse se fait en deux temps : d’abord, au milieu du village trônent un tombereau et une pelle mécanique énormes qu’on nous explique comme provenant de la mine de cuivre voisine. La mine est bien cachée, rien ici ne respire autre chose que la quiétude et la résine des conifères. 
Mais le lendemain, la fumée s’étant un peu dissipée, nous découvrons à l’horizon une étrange montagne toute blanche, et trop rectiligne pour être naturelle : nous venons de trouver la mine. Et en effet, en prenant la route qui la traverse, nous comprenons mieux l’argent qu’elle génère… Il s’agit de la plus grosse mine de cuivre et de molybdène à ciel ouvert du Canada, et c’est tout simplement énorme. Une montagne a été enlevée pour extraire le cuivre, et une autre montagne a été formée avec les déblais, et les résidus liquides sont stockés dans une retenue de boues turquoise de 10km de long ! 


A lire les panneaux d’informations financés par la compagnie minière, « il n’y a aucun impact sur l’environnement » et la faune et la flore sauvages se portent à merveille malgré la présence de la mine, et ils vont même plus loin en affirmant que la mine crée les conditions favorables à la sauvegarde de certaines espèces !



Au loin, une montagne trop blanche pour être honnête

L’usine aux couleurs du Canada



Notre bol d’air montagnard se termine aussi vite qu’il a commencée, nous replongeons dans la vallée de la Thompson River pour rejoindre la petite ville d’Ashcroft. La descente est magnifique, nous retrouvons le paysage semi-aride profondément érodé par la rivière, avec ça et là quelques rustines vertes abondamment irriguées.



Pour nous, le souvenir d’Ashcroft restera celui d’un four thermostaté à 38°C, ceinturé par deux voies de chemins de fer dont la plus proche à moins de 50m, nous offrant probablement une des pires nuits depuis le début du voyage, avec cette sensation étrange de se faire passer dessus par un train toutes les heures. 
Seul point positif, le lendemain matin, le gérant du camping nous propose de nous faire passer la première bosse avec son pickup, pour une fois qu’un pickup est utile, nous ne pouvions pas refuser la proposition !

La bosse la plus facile depuis le début du voyage

En quittant Ashcroft, nous attrapons la route 99 que nous quitterons que 300km plus loin en arrivant à Vancouver. Là encore, la rivière (Fraser River, du nom de l’explorateur qui s’est amusé à risquer sa vie pour en savoir plus sur les environs) a encore bien tailladé les montagnes en une profonde vallée. 

Nous suivons cette rivière jusqu’à la petite ville de Lillooet. 



La journée à Lillooet avait bien commencé : nous discutons quelques mots de français avec un habitant tout content de trouver des français dans sa petite ville, puis nous nous faisons offrir un beau filet de saumon (espèce pink salmon) fraîchement péché au filet – épuisette dans la rivière voisine par un natif (il a une glacière pleine des 36 saumons pêchés le matin même). Il nous offre aussi un « Indian stick », filet de saumon séché au soleil qui se mange comme un encas (assez fort et persistant en bouche…).





Nous nous installons au camping, sur un très beau site en bord de rivière, nous sommes contents d’arriver tôt pour ne pas avoir à monter la tente sous la pluie qui est annoncée en fin de journée. Puis l’orage arrive… et l’eau commence à dévaler les allées du camping, on voit quelques mottes de terres qui se détachent des buttes, ça ravine pas mal, un peu trop même, et l’inquiétude monte pour notre tente et toutes nos affaires restées sur l’emplacement (nous étions restés à l’abri à l’accueil du camping). Après une heure de pluie intense, nous découvrons les abords de la tente et les sacoches souillées de la boue qui s’est accumulée sur notre emplacement : il semblerait que toutes les eaux de ruissellement du camping et des routes du dessus se soient données le mot pour aller sur notre tente. Heureusement, la tente a passé brillamment son test d’étanchéité, et l’intérieur est sec (il n’en fallait pas plus). Néanmoins, l’extérieur de la tente, notre bâche de sol et le sol étant détrempés, nous nous voyons mal passer la nuit dedans. 

Notre bâche de sol après l’orage (et oui, pour les observateurs, on mange des Barilla au Canada)

Heureusement, ce n’est que la fin d’après-midi et nous trouvons une solution de repli chez la généreuse gérante du camping, Sandy, qui nous héberge dans le camping-car garé dans sa cour et nous prépare même le traditionnel bacon & eggspour le petit-déjeuner et nous fait goûter son saucisson de bœuf fait-maison. Le lendemain, ayant encore pas mal de nettoyage à faire, nous ne pouvons pas encore reprendre la route. Pris de pitié, les gérants du camping nous offrent la nuit dans leur caravane grand luxe au prix de l’emplacement de tente. « A chaque chose malheur est bon » comme dit l’autre.
Quant à notre gros filet de saumon rose, il reviendra tout naturellement à Sandy !


Notre camping se situe à quelques pas du vieux pont de la ville, au pied duquel les berges rocailleuses offrent de parfaits emplacements aux natifs pour la pêche au saumon. Ils pêchent le matin puis s’installent sous leur petit abri pour découper, vider les poissons et les préparer en filet ou les faire sécher en « stick ». Leur pêche est officiellement limitée à leur consommation personnelle, ils n’ont pas le droit de les vendre mais si vous connaissez la bonne personne, vous pouvez facilement trouver quelques poissons sous le manteau…


Remis de nos émotions diluviennes, nous reprenons la route 99 pour nous délecter d’un col aux pentes à 13%, très vite redescendu puis très vite remonté. L’étape ce jour-là ne fait que 37km mais nous sommes contents d’en finir.

Une série de panneaux qui fait mal aux jambes

Passé Pemberton et ses communautés natives vivant dans la misère, nous rejoignons l’opulence de Whistler, la station de ski qui a physiquement accueilli les Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver en 2010. La fumée aura raison des vues sur les glaciers et les pics enneigés, alors nous ne retiendrons de Whistler que des constructions récentes de villas de luxe et des voitures rutilantes. Il fait chaud, le trafic est intense, le relief n’est pas un cadeau, alors nous sommes d’autant plus heureux de pouvoir passer une soirée en compagnie de Jim et Claire, nos hôtes Warmshower de Squamish. Nous passerons une soirée intéressante à naviguer entre le français et l’anglais, Claire étant d’origine québécoise. Leur maison sur les hauteurs de Squamish est un lieu de passage fréquent de bêtes sauvages : ils nous montrent une vidéo de deux jeunes ours noirs en train de batifoler dans leur pelouse. 



Après Squamish, la route 99 n’est que stress et courant d’air : bien qu’indiqué comme « itinéraire cyclable », il s’agit d’un tronçon sans alternative de 50km de 2x2 voies avec un bas-côté collé-serré délimité par une rambarde en béton : un vrai grand moment de plaisir sur deux-roues !


Nous arrivons enfin vers une des destinations phare de notre voyage : Vancouver, le centre économique de la côte ouest du Canada, une ville que nous avons idéalisée depuis pas mal de temps déjà. 
Il ne nous reste plus qu’à aller voir tout cela de nos propres yeux…















1 commentaire:

  1. ça monte, ça monte... (sauf si les photos sont penchées)
    J'imagine même pas la taille de vos cuisses ! ;-)

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